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ÉCRITURES GUIDÉES

"Ecriture guidée "est un concept qui permet à chacun d'écrire une nouvelle unique sur une base commune. C'est à dire: titre, première de couverture, mots imposés, etc.

écritures guidées: À propos

ÉCRITURE GUIDÉE NUMÉRO 3

semaine du 25 mars 2019

écritures guidées: Bienvenue
écritures guidées: Citation

LA DISCIPLINE DES BEAUX DRAPS

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(uniquement visible sur ordinateur)

Pour rappel, les mots étaient: marathon, tondeuse et ravin.

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Texte 1:

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Cent-vingt kilomètres avant ma nouvelle vie de liberté, plus de tracas, plus de stress, plus rien. Je ne veux plus que du calme et du repos.


Le 16B, cette place m’attend. Elle a dû en voir passer du monde. Des gros et des minces, des bébés qui pleurent et des grands pliés en quatre se sont assis sur ce fauteuil. Ce siège s’est sûrement affaissé sous le poids de dépressifs partant en vacances plein d’espoir, sous celui d’autres revenants de vacances apaisés et ressourcés. Il a forcément accueilli des aérodromophobes remettant leur destin dans une cage de fer volante. De la même façon il y a nécessairement eu un ou deux hommes d’affaires élégants voyageant à travers le monde pour le travail et prenant l’avion comme ils prennent un café. Je vois bien aussi un nouveau riche, millionnaire, voulant prendre l’avion avec la plèbe pour se rappeler de ses périodes de galères ou encore un étudiant retournant voir sa famille. Ils forment une grande famille dans ma tête et aujourd’hui, je serai leur digne descendant. 


Le jour se lève doucement et, à travers la fine pluie, le ciel s’illumine d’orange comme pour me lancer un adieu en paix. Un panneau m’indique que l’aéroport se trouve à 85 kilomètres mais je connais le chemin par cœur. Mille fois, je me suis relevé la nuit et ai fait ce parcours grâce à Google Street View. Avec ce système, on avance environ à du 30 kilomètres heure, c’est un vrai marathon mais quand je le parcourais je me sentais déjà plus libre.


Cette nuit-ci, j’ai franchi le pas. Une compagnie Low Cost proposait un billet à seulement cinquante euros pour le Boutan, le pays du bonheur. Comment pouvais-je résister à la tentation ? J’ai donc pris une valise, y ait plongé quelques affaires en vrac sorties directement du séchoir sans même prendre la peine de revenir une ultime fois dans ma chambre.


Cinquante kilomètres. Le rêve se rapproche. Je vais vraiment le faire, je ne réalise pas encore vraiment mais je sais que cette fois-ci il n’y aura pas de retour en arrière. Cette pluie qui s’accentue renforce mon désir de quitter ce pays où même le soleil refuse de s’aventurer plus de quelques semaines par an. Pourtant aujourd’hui il persiste timidement faisant un bras de fer avec les rafales de vent et les torrents de pluie. La route glisse et je sens que mes pneus ont une furieuse envie de s’inscrire aux jeux olympiques dans la catégorie « Patinage artistique sur glace humide Â». J’aperçois derrière moi une voiture qui fait de l’aquaplanage. Elle semble dérailler comme le train de Turner qui aurait continué sa route et traverser la fibre de la toile. Je suis au cÅ“ur de cette ambiance orange et brumeuse et cela ne m’étonnerait pas de voir Turner, au bord de la route, un pinceau à la main et un chevalet devant lui. Je jette un dernier coup d’œil dans mon rétroviseur central. Il s’est engouffré dans le ravin. Ne pouvant plus rien pour lui, je délaisse davantage le frein.


Les battements par minute de mon cÅ“ur augmentent à mesure que les kilomètres diminuent. Adieu. Adieu à ces heures supplémentaires desquelles je n’ai rien retiré sinon de la fatigue. Adieu mes parents qui ne m’ont jamais donné de frères et sÅ“urs pour m’aider à supporter la vie. Adieu ces verres à moitié vides que la pluie n’a jamais remplis. Mais surtout adieu à toi, Maria ! Adieu tes jolies formes et ton regard de braise, adieu tes cheveux ondulés qui ne sont en fait que des serpents de Médusa, adieu ton amitié que je n’ai jamais désirée. Adieu.


Ce soir je ne serai plus cet employé de bureau à la vie monotone et cet ami à toutes épreuves faisant passer sa vie après celle des autres. Cet avion sera mon cocon et je me transformerai en papillon.


Il ne me reste plus que dix petits kilomètres. Le pied droit fixé sur l’accélérateur je ne veux plus ralentir, plus douter, plus frémir. Le moteur de la voiture grince et se plaint. Il comprend que je n’aurai plus besoin de ses services. Il rugit une dernière fois, tel une tondeuse faisant sa dernière coupe avant l’hiver.


Un message me coupe dans mon élan. Ne pas le regarder, ne surtout pas le regarder. Je décide de ne pas sortir mon téléphone de ma poche. C’est un message de ta part, tu n’es pas bien et tu as besoin de moi. Tu me demandes si je suis disponible ce soir pour discuter devant un film en noir et blanc, un verre de blanc à la main dans ta douce couverture noire. Je ne te rejoindrai pas, c’est trop tard, tant pis pour toi.


Soudain je me souviens que je n’ai pas fait mon lit. On m’a toujours appris que à l’attention qu’on portait à ses draps témoignait d’une bonne hygiène de vie. Ma tendre mère appelait ça « La discipline des beaux draps Â». Je ne peux pas laisser ma maison dans cet état. Que pensera-t-on quand on trouvera ce lit encore défait ? Qu’on m’a enlevé ? Que je suis mort ? Ou peut-être même pire ? 


Je vais rentrer et comme c’est sur ma route, j’irai te voir, Maria.



Cette fois, le siège 16B du vol A316 214 voyagera seul.

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Texte 2:

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Amy appréciait cette période de l’année. Timidement, le soleil sortait de sa torpeur. Comme pour l’accueillir, les gens se faisaient plus présents dans les rues, plus souriant aussi. Le soir, il y avait dans l’air ce parfum caractéristique des premières floraisons. Dans le quartier résidentiel où elle habitait, elle pouvait déjà deviner le bal des tondeuses à gazon, assister à la promenade du chien du voisin, ou aux jeux des enfants des environs.


En ville, c’était encore plus évident. La vie foisonnait déjà de toutes parts. Les joggeurs se mêlaient aux hommes d’affaire pressés et aux étudiants un peu saouls. L’endroit idéal, en fait, pour s’arrêter quelques minutes, en terrasse d’un café. Comme si assister au marathon de la vie des autres permettait de profiter d’autant mieux d’un moment de vacance.


Amy prit une profonde inspiration et ferma les yeux. Elle leva la tête, laissant les rayons du soleil réchauffer son visage. Dans d’autres circonstances, cela aurait été parfait.
- Alors ?
Elle ne réagit pas immédiatement, gardant la pose, ne sachant que répondre. Enfin, elle rouvrit les yeux et les posa sur son frère. Il avait la mine grave, le regard fixé sur les pavés de la grand place, comme pour y trouver une réponse à ses problèmes.
- C’est compliqué, répondit-elle gentiment.
Comme si c’était une réponse. Comme si c’était nouveau aussi. Avec lui, tout avait toujours été compliqué.


Pour elle, les choses avaient toujours été simple. Elle avait toujours été disciplinée, travaillant à l’école et évitant les ennuis. Par la force des choses, plus que par volonté, elle avait fini diplômée de l’université en droit. Cela lui avait permis de construire cette vie, loin de la précarité, loin de la cité.


Avec lui, les choses avaient été différemment. A onze ans, il séchait déjà les cours pour trainer dans les rues avec son groupe. Ce qui au début ne ressemblait qu’à de l’insolence avait très vite dégénéré. De petits vols, en bagarres, en commissariats de police, il avait toujours été dans de beaux draps. C’était ça, sa discipline à lui : les emmerdes. Mais cette fois, c’était différent. Cette fois, il était au bord du ravin.


Elle reprit.
- La police aura vite fait de remonter jusqu’à toi. C’est évident.
Après un moment, elle ajouta.
- Tu l’as toujours, l’argent ?
Il tourna la tête vers elle, l’air inquiet. Elle comprit qu’il avait disparu. Probablement en même temps que son complice. Le printemps était là, et pourtant, les mauvais jours arrivaient.

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texte 3: 

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Mais qu’a-t-il bien pu arriver au Signore FALCIATORE pour se retrouver au milieu de rien, au fond d’un ravin ?


Un peu comme enfoncé dans un désert absolu, sans vie, sans lumière ni bruit.


Petit à petit, Luigi essaie de mobiliser son esprit cartésien pour ne pas se laisser envahir par la panique.



Au passif du bilan, ce n’est pas son épouse encore partie à La Réunion, ni ses collaborateurs au sein de le Cie GOLDMAN FACTORING qu’il dirige qui pourront le sortir de là.


Mais même dans un ravin à sec, un requin de la finance comme lui doit pouvoir retrouver le sens de la rivière !



A l’actif, Luigi ne souffre pas et à première vue, ses facultés sont indemnes.

Est-ce la nuit ou le jour ?

Difficile de le savoir dans cet environnement de silence limpide.

Luigi se surprend à sourire, c’est bon signe.

Son humour ravive la flamme du Bruit Intérieur Brut de son cerveau, le transporte doucement vers son modèle, Louis-Ferdinand CELINE et son dernier pamphlet, Les Beaux Draps.

Le livre de chevet de Luigi.



CELINE, l’antisémite ambigu et incompris.

A l’image du reflet de Luigi.

Celui du vieil italien qui suit depuis quelques années des cours d’italien, un peu pour essayer de se comprendre lui-même.

Celui qu’il a été ou qu’il aurait voulu être, il ne sait plus.




Les Beaux Draps, Luigi connait bien cette critique de la perte des valeurs, du capitalisme et du communisme dans le même temps.


Ce capitalisme dont il a fait une discipline de carrière, Luigi l’imagine en Factor des valeurs humaines.




Au terme du marathon de sa vie, Signore FALCIATORE, bien au chaud dans son lit de silence et d’obscurité, rêve d’une déjàsatisfaction, entouré de son épouse revenue du bout du monde et de ses enfants.

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texte 4 : 

La discipline des beaux draps

Ignare est celui qui pense que le malchanceux est une pauvre victime du destin. Celui qui fricote avec la malchance est loin d’être en proie à de simples coups du sort, comme dirait Bob Dylan.


Celui qui, lorsqu’il regarde par la fenêtre, ne contemple qu’un soleil radieux et décide de ne pas s’embarrasser d’un parapluie est celui qui, consciemment, s’attire les foudres d’un Dieu nostalgique du temps de Noé.  Donc, celui qui reçoit un vrai déluge en plein visage lorsqu’il pose le pied dehors.


Il existe en effet une certaine prévisibilité de l’imprévisible pour celui qui oublie ses baskets le jour d’un grand marathon ou pour celle qui casse son talon aiguille avant une présentation importante. Vous trouvez l’idée absurde, n’est-ce pas ? Et bien David faisait partie de ces maîtres de la gaffe et de l’oubli. Ses parents avaient d’abord cru à une malédiction qui frappait leur cher et tendre fils chaque matin dès qu’il sortait de son lit – une fois avant quand un moustique le piqua au milieu du visage la nuit qui précédait le jour de la photo scolaire. Ils s’étaient résigné au fait que c’était simplement son mode de vie.


Il était ce que certains appellent un malchanceux ou un détenteur de mauvais karma. C’était sur lui que les fientes d’oiseaux tombaient et c’était son petit orteil qui venait percuter tous les meubles. Avec le temps, ses amis riaient beaucoup de sa négligence et attendaient toujours avec impatience sa prochaine anecdote. C’était devenu un réflexe pour eux d’essayer de prédire le plus triste des avenirs qui pouvait bien l’attendre. David, lui, ne se sentait pas plus triste qu’un autre. C’était son truc à lui, il était maladroit et malchanceux mais ce n’était pas pour autant qu’il attendait la pluie. Il ne faisait pas plus attention à ne rien oublier. David se laissait vivre et constatait chaque jour la mégarde qu’il s’était infligé. C’était tout son art de se boucher les oreilles et de ne pas écouter les autres qui voulaient vous rappeler de partir bien à l’avance et de ne rien oublier. Seuls les spécialistes pouvaient y parvenir.


David disait souvent que ceux qui vivaient sans faire d’erreurs et sans se mettre dans de beaux draps menaient en vérité une vie misérable de sécurité et tellement prévisible qu’il ne voyait pas l’intérêt de la vivre. D’après lui, on n’était pas dans un film pour lequel un scénario était tout écrit et il ne fallait pas suivre toutes les instructions écrites noir sur blanc. Pour lui, la vie était belle parce qu’improvisée et il n’y avait pas de drame à oublier systématiquement ses affaires ou à casser une assiette de plus ou de moins. Et certes, si sa méthode laissait à désirer aux yeux de certains, c’était cette même imprévisibilité, combinée avec la tête de linotte qu’il était, qui l’avait fait rencontrer la femme de sa vie. Il n’avait fallu qu’une tondeuse en panne pour devoir aller sonner chez sa nouvelle voisine et lui passer la bague au doigt.


Proche des cinquante ans, il y avait une certaine sagesse qui se dégageait de l’histoire de cet homme toujours tranquille. Malgré toute la malchance qu’il attirait chaque jour, il avait su transformer chacune de ses mésaventures en belles histoires. Son optimisme à toutes épreuves était inspirant, même si on ne pouvait s’empêcher de se demander quand viendrait le jour où il craquerait et enverrait toutes ces contraintes au diable. Parler dans le dos d’une personne qui se trouvait – et bien, dans son dos – l’avait forcé à se détacher de toutes relations hypocrites. De plus, à force de maladresse, il était entrainé à rebondir dans n’importe quelle situation où il était en mauvaise posture. Un soir, par exemple, en oubliant ses clés, il avait sympathisé avec un sans domicile fixe et avait enfin trouvé l’article qu’il allait écrire pour sa boite.  Avec l’histoire du pauvre homme, il écrivit le plus bel article de sa carrière. C’était aussi « grâce Â» à un accident de voiture qu’il avait rencontré son patron. Son futur employeur se confondait en excuses et cherchait un moyen de racheter le phare de son futur employé qui gisait dans le ravin sans faire jouer son assurance. Tous ces imprévus avaient sillonné sa vie et lui avait tant appris qu’il aimait être celui sur qui la foudre tombait toujours.


Il avait appris à relativiser le moindre de ses problèmes et rien ne venait égratigner son optimisme. Certes, c’était peut-être le ciel ou le sort et non leur propre acharnement à ne rien faire dans les formes qui venait frapper des gens comme David. Mais c’était de leur propre chef qu’ils déjouaient les malchances qui ponctuaient leur existence. C’était finalement les plus à plaindre qui tiraient un bonheur inaltérable de leur lot de souffrance.

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texte 5: 

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Le soleil avait déposé piquet de grève mais il fallait quand même attaquer le marathon de la journée. Pourquoi encore une fois « y aller »? Jouer le rôle de « je suis au boulot ». Ce matin de juin Marine ne pensait qu’à une chose: l’odeur de l’herbe coupée par une tondeuse. C’était la madeleine: le parfum de l’enfance. En ce temps-là, il y avait la balançoire dans la prairie qui se souvient des fesses des filles, des pieds hâbleurs des garçons et des morceaux de chardons. Qu’est-ce que la ruine d’une balançoire? Une corde cassée - celle de son ami qui s’est pendu un soir de novembre. Il y a déjà trente ans. Le parfum de la confusion envahit la chambre alors qu’elle regarde la fenêtre et les rideaux qui ne sont pas encore tirés. 7h34.

-J’ai envie d’appeler au travail et dire « Je suis malade » ou « je dois partir, j’ai rendez-vous avec l’enfance ». Vous n’avez pas besoin de moi: la fin du monde est reportée à une date ultérieure.

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Le corps de Marine se bloque comme au bord d’un ravin. Impossible de se lever. Il y a une semaine, elle a quitté la maison de son amant - Stéphane - emportant juste le sac de quelques vêtements de secours Il fallait ne laisser aucune trace d’une quelconque présence fusse-t-elle longue des quelques mois. « Je n’ai fait que passer comme une amuseuse du silence, un objet de distraction des lieux figés » se dit-elle. Aucune photo n’orne le mur. Juste les enfants de Stéphane: il s’en occupe en dilettante à temps partiel. Une semaine sur trois. Le deuil est plus simple sans les images.

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texte 6: 

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"Bonjour je m'appelle Damien.

Et ceci est mon histoire.

Je n'ai jamais été sexuellement comblé.

À vrai dire j'ai 35 ans et je n'ai eu qu'une seule relation sexuelle dans ma vie.

C'était il y a 2 ans.

J'ai beaucoup de problèmes en ce qui concerne les relations humaines.

Je suis ce qu'on peut appeler un reclus de la société.

C'est pourquoi je n'avais jamais flirté avec aucune femme avant cette seule relation.

Afin de changer ça je me suis inscrit en mai sur un site de rencontre car je tenais à avoir une relation intime avec quelqu'un.

Après quelques fakes et mauvais matchs, je suis tombé sur Cynthia.

Elle avait 2 ans de plus que moi mais cela ne me dérangeait pas.

Elle était différente des autres.

Elle s'intéressait à moi comme personne sur terre ne l'avait fait auparavant.

Je ne vivais plus que pour lui envoyer des messages.

Jusqu'au jour où elle m'a invité chez elle.

Je n'étais pas prêt à la rencontrer.

Mais je le désirais plus que tout alors j'ai accepté.

Je suis arrivé chez elle et nous avons dîné.

Tout se passait correctement.

J'étais très heureux de pouvoir mettre des images sur son lieu de vie quotidien, sur ses goûts.

À la fin du repas, elle me pris par la main.

Elle me dirigea vers les escaliers.

Je n'étais pas naïf, je savais ce qui se tramait, ou plutôt je le pensais.

Devant sa porte de chambre, elle m'annonça qu'elle m'a réservé une surprise et que je dois fermer les yeux.

Elle me dirigea encore une fois en me tirant la main.

Puis elle me dit stop.

Elle me dit ensuite de lever les bras afin qu'elle puisse enlever mon tshirt.

C'est à ce moment que je sens comme deux bracelets métalliques qui se ressert sur mes poignets.

Surpris, j'ouvre les yeux mais je ne vois pas Cynthia.

Je sens ensuite la même sensation ensuite au niveau de mes chevilles.

Je baisse la tête et je vois cynthia qui vient de m'attacher avec des menottes.

Elle tira ensuite un levier et je sentis mes membres qui s'étirent.

J'étais totalement bloqué.

Elle prononça ensuite ces mots :

"Avant de caresser les draps, il faut être discipliné".

Elle me mit ensuite un masque avec une boule en bouche afin que je ne puisse crier.

Elle mit aussi une cagoule afin que je ne puisse rien voir.

Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait.

La femme qui se tenait devant moi n'était plus la cynthia avec qui j'avais dîné.

C'est là que le marathon commença.

4 heures de souffrances de punitions sur punitions.

Elle m'humilia à l'aide de sa tondeuse, elle me blessa à l'aide de son fouet et me détruisa à l'aide de l'amour que je lui portais.

À la fin de ces 4 heures, elle me détacha et me montra la sortie.

Je n'ai pas réagit et je suis partit.

Une fois rentré je me suis mutilé afin que cela ne se reproduise plus jamais.

Aujourd'hui le ravin qui me sépare de la société est plus profond que jamais.

C'est pourquoi je suis ici car ce vide me devient trop dur à vivre seul."


Le cercle anonyme des agressés sexuels répondit en coeur:  

"Enchanté Damien, nous sommes là pour toi"

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texte 7: 


En cette fin d’hivers 2019, Jeanne et Jules se rendent aux sport d’hivers pour une semaine de glisse dans la jolie station de la Clusaz située en Savoie, dans les Alpes Françaises. Partis de bonne heure ce matin, ils se relaient au volant de leur voiture empruntée pour l’occasion car équipée de pneus neiges. Il est 17h et bien que du trajet touche à sa fin, les derniers kilomètres à parcourir sur l’A40 en direction de Genève sont particulièrement difficiles.  Jules lutte malgré lui contre la fatigue et Jeanne s’est résignée à laisser en fond sonore la station radio 107.7 Autoroute Info, toutes les autres stations étant inaudibles. Même si la circulation en cette fin d’après-midi est dense et les ralentissements nombreux, la situation semble beaucoup plus critique dans le sens des retours selon les informations. « Messages aux automobilistes circulant sur la A6 à hauteur de Macon en direction de Lyon, un auditeur nous signale un objet encombrant ressemblant à une tondeuse sur la bande de droite. Veuillez redoubler de vigilance si vous circulez dans cette zone… Â». Jeanne est Jules sont rassurés d’entendre que les plus grands embarras ne se trouvent pas sur leur itinéraire même si ce raisonnement est égoïste, ils le reconnaissent.

Le dernier péage enfin franchi, il est maintenant temps pour Jeanne de reprendre le volant. Il ne leur reste qu’une quarantaine de kilomètres avant l’arrivée mais le temps presse. L’agence IMMO Arvis qui leur remettra les clés de leur appartement pour la semaine ferme à 18h, ils ne peuvent plus se permettre de prendre du retard.

Peu à peu, les grandes étendues de la vallée laissent place à des paysages semi-montagneux . La seule  route qui mène à la Clusaz est une route étroite et sinueuse entre la montagne enneigée et le ravin en contrebas. Il est 17h50 lorsque Jules lit à haute voix le panneau routier  « La Cluzac centre 1km Â». Le marathon se termine. La place de parking  libre en face de l’agence permet aux vacanciers d’obtenir juste à temps les clés pour leur petit nid douillet de la semaine. Jules regarde Jeanne qui lui sourit en retour. Ils se félicitent de ce timing parfait et se réjouissent de cette magnifique semaine qui s’annonce.

L’obscurité s’installe sur le petit village et ses chalets en bois. Dans les rues, on peut croiser les derniers skieurs transportant leurs skis sur leurs épaules. Un ambiance chaleureuse d’après-ski émane des cafés et des restaurant déjà bien remplis à ce début de soirée. Les remontées mécaniques ont suspendu leurs allées et venues mais Jeanne sait qu’elle fera partie des heureux élus qui, dès le lendemain matin, prendront place dans les télécabines avant de dévaler des pistes à toute allure.

Jules termine de décharger les valises tandis que Jeanne découvre l’appartement en ouvrant les placards pour ranger ici et là les provisions achetées en Belgique.

Mais c’est alors qu’apparait un aléa dans l’organisation qui jusqu’ici semblait sans faille.  Après avoir fouillé de fond en comble l’appartement, ni Jules ni Jeanne ne trouvent les draps pour faire leur lit. C’est alors qu’il comprennent que le linge de maison n’est pas inclus dans leur location.

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texte 8: 

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Elle ouvrit l’armoire normande, perplexe.


Passant un doigt derrière son oreille, dégageant ainsi ses cheveux châtains légèrement ondulés, elle soupira. Comme à chaque fois, elle mesurait le ravin, l’abîme qui la séparait de la ménagère idéale. Qu’il eut été agréable de découvrir,  bien rangées, des piles de parures de lit assorties ! Mais, telles ces maudites chaussettes célibataires, les draps indomptables semblaient mener leur propre vie.


Ah, si seulement comme elle s’y engageait, de bonne foi, chaque  janvier, elle avait la force de caractère, la rigueur militaire nécessaire . . .  Mais non, le constat était sans appel. Pas de taies d’oreillers allant par paires pour les lits doubles. Pas d’édredon à la douce senteur printanière, celle caractéristique, juste après le passage de la tondeuse, de l’herbe fraichement coupée. Pas de rangement par couleur ou par texture : le coton à gauche, la soie  Ã  droite, la flanelle au-dessus, le jersey en dessous.


Elle se souvenait de sa grand-mère, de la course, du marathon contre le temps que celle-ci livrait chaque automne, avant les grandes tempêtes pour laver , faire sécher à l’extérieur, repasser et ranger méticuleusement le linge de maison.


Et dire qu’une armada d’invités débarqueraient dans deux jours, nécessitant de préparer une demi-douzaine de couchages et lits d’appoint en tout genre !


« Me voilà dans de beaux draps ! Â» pensa-t-elle.


Cette image la fit éclater de rire, illuminant ses yeux noisette et soulignant l’arrondi de ses joues.


Elle referma délicatement les portes de l’armoire normande.


Il était l’heure de Burger Quiz.

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Texte 9: 

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Alors qu’il entend le bruit d’une tondeuse à travers la fenêtre de sa petite chambre, il est là couché sur son lit, il se repose, il peut quasiment sentir l’odeur du gazon frais tondu. Quel souvenir !


Quand était-ce la dernière fois qu’il avait réellement éprouvé du plaisir dans une activité de la vie quotidienne ? Il se le demande bien. Il pense aller se dégourdir les jambes et puis il en perd l’envie. En a-t‘il seulement les capacités ?


Parfois, allongé, il réfléchit aux plats qu’il a mangés ces derniers jours et sans plus y parvenir il s’assoupit. Est-il vraiment tombé dans ce ravin de la vie ?


Passant la majorité de son temps au lit, il a pris l’habitude avec méthode et rigueur de le faire au carré une fois qu’il en est sorti. Il doit bien avouer que cette discipline lui met du baume au cœur.
On le surnomme d’ailleurs ‘Mc Veigh Sheet’. Le mois dernier, il a reçu des parures de draps supplémentaires en cadeau, rien ne peut plus lui faire plaisir. Il a en effet encore des contacts avec quelques amis…


Il est temps, il doit retrouver un but, un challenge. Une fois cette galère terminée, il courrait le marathon d’Amsterdam ou celui de Paris, il n’a jamais vraiment couru de sa vie mais à présent il se sent capable de tout.


Alors qu’il s’est encore probablement endormi en milieu d’après-midi un bruit strident retentit, ‘Biiiiip’ c’est encore cette foutue ouverture de grille de cellule.


- ‘ Mc Veigh ton repas’.

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Texte 10:

Suite à une mauvaise communication, ce texte ne s’inspire pas de la couverture disponible mais porte le nom de "la culpabilité des papillons" 

                                     


            Une sphère métallique, probablement lourde, d’une matière usée, légèrement verdie par la mousse et la pluie incessante de ces derniers jours. Une aiguille au sommet qui s’élance du clocher. Les arbres tout autour dévêtus comme un bouquet fané. Le léger bleu de la fenêtre.


Sol, mi, sol, do, mi,

                                                                                                                      sol, mi, sol, fa, mi,

sol, mi

                                                                       sol, mi

                                                                                                                                  sol, mi

sol


            Rond, oblongue, ovale, cunéiforme, un cratère de nature, un écrin émeraude pour un cailloux mal dégrossi, sa pupille.


Si, la, sol, mi, mi

                        Si, la, sol, la, mi,

Sol, la, si, mi


            Son rouge à lèvres. Une poudre de terre australienne déposée sur son visage au passage venteux du poussiéreux du tube de rouge. Sa bouche s’écarte soudain, déchire l’érubescence par un blanc chaleureux… sourire


Sol,      la                                             Sol,      la                                             Sol,      la

                                                           Sol,      la

                                                            Sol


            Légère écume de Sienne brulée en pétales incandescents retombant, vague noire de jais, océan d’ondes onduleuses aux reflets bruns ; une crinière d’étalon jument, d’amazone dans une plaine entre chien et loup.


La                                                                                                                                                      La

            Sol,      la,        si,        do,       si,        dosido,                        la,        si,        la,        sol


                                                                       si la


            Méli-mélo digital, les ongles vernis au 999 de chez Dior toccatant les touche noires et blanches.





            *                                                          *                                              *


Je n’ai jamais été un bel homme. J’ai toujours été le second choix, dans l’ombre, sans lumière, ami sympa, adorable.

J’ai toujours été fidèle. Cet homme chien qui ne dit jamais non, qui baisse toujours le regard en souriant bêtement…


Alors, alors... J’ai voulu…


J’ai voulu essayer.


Un sourire en sortant du bureau.

Un café, de premières confidences.

Un dîner, ça n’engage à rien.

Une soirée, je suis sensé être en colloque.

Le verre de trop, et l’éclat lent de mon couple.


Ca va plus vite qu’on ne peut le penser… qu’on est capable de le conscientiser.


Elle n’aura pas de nom. Elle n’a pas cette importance qu’on lui veut donner.

Elle apparaît dans mes terreurs nocturnes quand je fais des insomnies.

Elle est baignée dans une lumière orange avec un soleil d’après-midi que reflète les draps brun passé. Elle restera baignée dans cette lumière, dans cet instantané inolvidable.


Elle me rappelle.

Encore

et encore.

Et encore

Et Encore

ET Encore

ET ENCORE !


Je ne veux plus te voir ! Je ne veux plus t’entendre… Tu n’as pas existé ! C’était une erreur : c’est ma femme que j’aime !


Elle veut que je revienne. Une dernière nuit me dit-elle.

Je raccroche.

Elle me rappelle

… je suis seul. Ma femme est sortie ce soir.


Je lui dis : oui.


            *                                                         *                                              *

Le soleil est levé depuis un moment… Elle est devant moi cette femme innommable, dos a la fenêtre…

Je remarque le clocher derrière elle… C’est là que je me suis marié avec ma femme.

Je revois la verdure du lieu, je me souviens que c’était sa sœur qui jouait le canon de Pachelbel. Me reviennent alors en déluges les notes qu’elle-même, ma femme, frappait au piano. Ses yeux verts qui brillaient quand les sons vibraient. Ses lèvres toujours peintes en rouge qui articulaient silencieusement les accords qu’elle jouait. Ses cheveux brun foncé remplis de reflets qui se soulevaient en mesure aux à-coups de sa tête. Je me souviens de ses doigts sur le clavier.


Je n’arrive pas à prononcer le nom de ma femme… Elle est partie, il y a longtemps… Elle s’était installée au piano et par un mécanisme avait déclenché une arme contre elle. Je suis rentré le soir chez moi. Je l’ai retrouvée comme pétrifiée, couchée sur le piano. Elle jouait un morceau qu’elle aimait me jouer quand elle savait que j’étais déprimé : la balade du papillon.


Elle avait consulté mon historique et avait découvert cette autre femme qui ne compte pas, qui n’a pas de nom, que je ne veux pas, qui aurait pu ne pas exister, qui aurait dû ne pas exister…


La partition était accompagnée d’un court poème :


« Les papillons papillonnent,

Ils s’envolent loin de la fleur à côté d’eux.

Les papillons papillonnent,

Ils vibrent sur les touches du piano

Comme les doigts du pianiste trépignent Â»

Elisabeth, ma femme, avait ajouté :

« Les papillons papillonnent,

Mais la fleur ne veut pas que son papillon parte.

Les papillons papillonnent,

Mais la fleur se fera son archange, envoyé des cieux pour veiller sur lui

Et ainsi ne jamais le quitter 


Elisabeth »

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Merci à tous! 

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écritures guidées: Bienvenue

ECRITURE GUIDÉE NUMÉRO DEUX

Le château de l'écureuil. semaine du 10 décembre 2018

Diversité de textes ayant pour titre: Le château de l'écureuil.



Pour rappel les mots étaient ordinateur, t-shirt et Transylvanie.





Merci aux participants d'y avoir consacré du temps et de l'énergie.










texte numéro 1:



Avait-il jamais été aussi heureux que ce soir-là ? Sans doute, mais cela faisait si

longtemps que Gaëtan n’en gardait aucun souvenir. De déboires en mésaventures,

d’échecs en désillusions la vie de ce « Chief Executive Officer Â» d’une entreprise

internationale de Photomaton avait connu depuis cinq ans une lente mais certaine

descente aux enfers.



Des mois à trainer, sale, sous les ponts, à partager la tambouille avec des toxicos,

des clodos aussi démunis que lui .A oublier, petit à petit le stress de son ancienne

vie : celle rythmée par un métronome fou : métro (ou ordinateur les jours de

télétravail), boulot, dodo.



Mais là, depuis une semaine, Gaëtan avait trouvé un job de commis dans une petite

imprimerie. Il avait loué cette chambre sous les combles, y avait installé sur l’unique

étagère un réchaud à gaz, un paquet de café, un livre et ses deux T-shirts fétiches.

« La vie de château Â» pensa Gaëtan en s’étirant.



Installé devant la lucarne, il avait observé longuement les habitants du quartier

rentrant chez eux sous une fine pluie automnale. Il se sentait au chaud, à l’abri, tel

un écureuil de Transylvanie ayant terminé ses provisions pour l’hiver.

Gaëtan s’allongea sur le matelas et sourit : demain il téléphonerait à Clara.







texte numéro 2:



« Où en étais-je… ah oui, à cet après-midi ensoleillé, jour de l’exécution de mon plan : Transylvanie.



Pourquoi ce nom me diriez-vous ? Je ne m’en rappelle plus exactement. Peut-être était-ce dû au climat chaotique du jour où j’en avais eu l’idée ou plus probablement était-ce lié à l’objet principal de ma mission : Sylvaine.



J’avais tout planifié dans les moindres détails. J’y avais passé plusieurs nuits sur l’ordinateur familial quand j’étais sûr que mes parents dormaient. J’y avais lu que pour conquérir le cœur d’une Sylvaine il fallait sortir les grands moyens et y aller franchement car ce sont des femmes fortes et indépendantes ayant un fort caractère.



Je m’en souviens encore bien, j’y avais lu mot pour mot : le cœur de ces dames ne sera conquis que par un valeureux chevalier moderne n’ayant pas peur de défier les lois jusqu’à celles de la physique et de l’univers.



Du haut de mon arbre fort,mot valise entre arbre et château fort, j’avais une belle vue sur sa maison blanche. Nous étions le 4 mai 1997, nous avions 11 ans. Tout allait bien se passer, j’avais mis mon plus beau t-shirt, mis le parfum de mon père et coiffé ma tignasse rousse.



Alors qu’elle se dirigeait lentement vers l’école située 100 mètres plus loin le bus fit son apparition au bout du village.



Me laissant guider par mon instinct et révisant une dernière fois mes calculs je courus jusqu’au coin de la rue avant de reprendre mon souffle et de bomber légèrement le torse juste avant que mon chemin rejoigne celui de ma dulcinée.



Je lui fis un signe de tête pour la saluer et la défia : « Si le bus nous rattrape dans exactement 18 secondes tu me donnes un bisou ? » Son air se décomposa et le mien avec. « Cela m’aurait bien plu mais Nicolas est mon amoureux depuis hier… »



C’est ce jour là que j’ai compris qu’il fallait toujours agir avant de réfléchir. »



Le membre de l’entreprise des ressources humaines chargé de l’entretien répondit : « Je vous demandais simplement pourquoi vous aviez inscrit a tendance à digresser dans la case défaut, en bas de votre CV. »







texte numéro 3:



Il n’y en avait qu’un seul, il en était certain. Il était persuadé que c’était le même qui venait tous les jours. Il avait fini par acheter des jumelles pour l’observer. Il l’attendait parfois toute la journée et n’en dormait pas de la nuit. Il se faisait un sang d’encre : il allait peut-être passer plus tôt, ou trop vite et il le manquerait. Il avait poussé le bouchon jusqu’à faire des recherches sur son ordinateur pour trouver une combine pour exterminer la bestiole. Tous les moyens seraient bons, peu importe le coût ou l’énergie. Il avait étudié son trajet des jours durant. Sans jamais découvrir d’où il venait vraiment, ni où il se rendait. La bête passait comme un navetteur passe devant chez nous. On les voit passer en excès de vitesse sans savoir d’où ils viennent ni où ils vont.



Au fil des jours, il avait élargi son champ d’observation, se levant à l’aube pour s’extraire de sa demeure et s’installer à un poste d’épiation bien placé. Enfoui dans les arbres, à l’abri du regard du vicieux animal pour observer par où il allait passer. Cependant, au bout d’un mois, il n’avait toujours pas de nouvelles informations. La bête semblait débarquer de nulle part, simplement apparaître comme par magie au milieu de sa cour. Il avait beau installer tout un régiment de pièges, l’animal se faufilait entre ces derniers, plus malin, plus rusé que son observateur ne le serait jamais. Il vivait pourtant dans un cadre idyllique, M. Lemay. Il résidait dans un magnifique château du XVIIIème, en plein milieu de la Transylvanie où seul le calme régnait. Il vivait sa petite vie, bien que solitaire, à l’abri des tourments. Du moins c’est ce qu’il croyait. Car depuis ce beau matin de mai alors qu’il s’apprêtait à retailler ses rosiers, la vie avait changé. En prenant une lampée de café, il avait cru apercevoir par sa fenêtre quelque chose passer, mais sans certitude. Il avait alors attendu, au cas où la chose repasserait. Toujours à l’affût, il s’était préparé des sandwichs pour la journée et avait campé devant sa fenêtre. Et depuis ce jour-là, Lemay attendait. Il avait laissé tomber tout le reste. Plus rien n’avait d’importance. Son château était devenu un dépotoir où vaisselle et t-shirts sales s’empilaient. Les voir ne le gênait même pas, car il était obnubilé par la chose. Il avait renoncé à une vie saine d’esprit, sans même en avoir conscience. Sa solitude l’aveuglait et l’aveuglerait probablement jusqu’à l’arrivée de l’hiver. Sauf que le vieil homme, cerné par ses nuits raccourcies et ridé de ses angoisses quotidiennes, en était devenu fou, et il en avait oublié le sommeil hivernal dans lequel les animaux se plongent.



Le rosier est mort maintenant, et le petit écureuil aussi. Et pourtant, l’homme du domaine aperçoit encore, par toutes les saisons, comme l’ombre d’une fourrure rousse courir à toute vitesse…



Peut-être que les choses auraient été différentes si Lemay n’avait jamais vu la bestiole par sa fenêtre. Peut-être qu’il aurait terminé son livre et serait devenu célèbre. Peut-être qu’en rentrant chez lui, il aurait écrasé l’écureuil par mégarde et ne se serait jamais posé de questions.



Cela semble fou de se laisser gâcher la vie par un petit rongeur, n’est-ce pas ? Pourtant l’histoire n’est pas si folle, et elle est même plus fréquente que ce que l’on se plait à croire.

écritures guidées: Bienvenue

ÉCRITURE GUIDÉE NUMÉRO UNE

LA DOUBLE VIE DU MUSÉE

semaine du 19 novembre 2018

Quand tout à coup, pris de panique, il enfonça profondément sa main dans la poche de son vieux veston. Le bout de son majeur se heurta à fil de fer courbé et rouillé. Il sentit une douleur à mesure que le métal s’enfonçait, suivi d’un soulagement non négligeable. Ses clefs étaient bien dans sa poche.

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Le répit fut de courte durée car une seconde vague de douleur s’empara de son doigt et il jura de réparer son porte clef au plus vite. Il le ferait maintenant se dit-il, ou maintenant et demi.

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Paul était comme ça, il aimait râler sur sa propre personne sachant cela paradoxal.

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Le paradoxe l’avait toujours passionné. Comment une chose pouvait elle résulter des causes ou conséquences contraires ? Il y avait réfléchi, Paul, il était même plutôt convaincu de sa réponse.

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Il s’affala dans son fauteuil en cuir qui lui avait coûté son treizième mois. Invention stupide selon lui. Pourquoi ne pouvait-on pas donner de l’argent uniformément toute l’année ? Et pourquoi le treizième mois de l’année suivait le douzième et non pas le huitième ou le troisième. Une prime à la sortie de l’automne ou au moment où les heures de lumières rétrécissent à vue d’œil aurait plus de sens.

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La vie de Paul n’était pas évidente, il se perdait souvent dans des élucubrations stériles. Il s’interrogeait souvent sur l’existence des pléonasmes. Tant de querelles dans sa tête le perturbaient nuit et jour.

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Paul était convaincu qu’aucune force de la nature n’était pourvue de paradoxe. En effet l’oiseau ne va pas apporter à manger et à la fois ne pas apporter à manger à sa progéniture qui ne sait pas encore voler… ou un chat n’est pas à la fois vivant et mort dans une boite fermée.

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Selon lui, le paradoxe est le propre de l’esprit malade de l’homme. Il s’était alors mis en quête de photographier, décrire et répertorier tous les paradoxes confirmant sa théorie.

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D’abord un album photo suivi d’un cahier de notes puis d’un autre et d’un autre encore. Il avait ainsi une panoplie d’objets prouvant d’une manière ou d’une autre ses dires. Cela prenait de plus en plus d’espace dans son petit appartement.

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Un soir, dans un état d’ivresse intellectuelle, il avait donné un nom à cette étagère grandissante. Le premier qui lui viendrait à l’esprit serait le bon. Musée. Musée des doubles vies.


Chaque objet menait deux vies se disputant la primeur. De plus, il s’en était rendu compte, ce musée en lui-même était le clou du spectacle car il lui était devenu indispensable pour poursuivre sa misérable existence sur terre et ne servait pourtant à rien.


C’était la double vie de son musée.

Il était une heure du matin et il fallait se coucher mais avant, il effectua son opération habituelle. Il colla son paradoxe du jour dans son dernier album en date. Un manche à air. Cet objet avait pour nature de vouloir quantifier l’inquantifiable. Comment pouvait-on espérer caresser l’espoir de trier l’air et ses déplacements. Mettre la chose la plus libre dans une case fermée et inviolable.

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Il s’endormit dans son siège. Au petit matin, son réveil le fit sauter d’un bond, il prit quelques affaires sans prendre la peine de prendre une douche et se précipita au travail.

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Après une longue et ennuyeuse journée et sa promenade quotidienne, il se posta devant sa porte. Quand tout à coup, pris de panique, il enfonça profondément sa main dans la poche de son vieux veston.

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écritures guidées: Articles
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